Projet de loi 26 - « L’indépendance des tribunaux n’est pas synonyme de non-imputabilité »

Sherbrooke le 11 mai 2023 - Le ministre de la Justice du Québec a déposé, le 9 mai dernier, le projet de loi numéro 26, intitulé « Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de donner suite à l’Entente entre la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice ». Comme son nom l’indique, ce projet de loi a pour principal objectif de mettre en œuvre l’entente survenue entre le ministre de la Justice et le Conseil de la magistrature du Québec (CMQ) en avril dernier. De même, il vise à corriger une situation pouvant être qualifiée d’aberrante, à l’effet que le CMQ n’a aucun compte à rendre quant à l’utilisation des fonds publics qui lui sont octroyés à même le fonds consolidé de l’État québécois, lui-même financé par les contribuables du Québec. L’organisme Droits collectifs Québec (DCQ) ne peut qu’applaudir à une telle mesure, et dénoncer le réflexe organisationnel du CMQ de s’opposer à celle-ci, au nom de l’indépendance des tribunaux.

De l’élasticité du principe d’indépendance des tribunaux

Depuis maintenant quelques années, le CMQ a multiplié les initiatives qui, selon DCQ, vont bien au-delà du mandat octroyé à cet organisme par la Loi sur les tribunaux judiciaires, un mandat qui concerne principalement la formation des juges, puis la définition et le respect de la déontologie que les membres de la magistrature doivent respecter dans le cadre de leurs fonctions. Par exemple, au nom de l’indépendance des tribunaux, le CMQ a entamé des poursuites judiciaires afin de s’opposer à la volonté démocratique des Québécoises et Québécois, exprimée par la voix du Législateur, à l’effet de ne pas exiger systématiquement le bilinguisme chez les juristes qui candidatent aux postes de juges québécois. De même, le CMQ contestait son assujettissement à la Loi d’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, toujours au nom de l’indépendance des tribunaux, une situation basée sur un flou juridique qui fut corrigé par la « Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec », sanctionnée le 15 mars dernier.

De l’importance pour les parlementaires d’étudier les crédits dédiés à un organisme public

Ainsi, le CMQ semble mélanger le concept d’indépendance judiciaire à celui d’absence d’imputabilité. En effet, il est inconcevable que les membres de l’Assemblée nationale ne puissent étudier les crédits octroyés au CMQ, des sommes qui sont financées par les contribuables du Québec. Cela, alors que l’étude des crédits octroyés aux divers organismes publics québécois (ministères, sociétés d’État, etc.) compte parmi les responsabilités les plus importantes de nos élus. « Alors que les membres de la Chambre des communes ont notamment pour responsabilité d’étudier les crédits octroyés aux tribunaux fédéraux, est-ce que cette situation porte atteinte à l’indépendance de ces derniers ? Apprenons-nous aujourd’hui, par la voix du CMQ, que la Cour suprême du Canada et les autres tribunaux fédéraux ne peuvent assumer leur mandat en toute indépendance du politique puisque la Chambre des communes a la responsabilité d’étudier les budgets qui leur sont réservés ? Malheureusement, le CMQ semble penser que le concept d’indépendance des tribunaux est synonyme d’absence d’imputabilité. Dans une démocratie comme la nôtre, cette situation ne peut être acceptée. Le CMQ doit changer sa position et ainsi se concentrer sur ses véritables mandats » de conclure le président de l’organisme, Etienne-Alexis Boucher.

À propos de Droits collectifs Québec

Droits collectifs Québec est un organisme à but non lucratif fondé en 2019 et issu de la société civile québécoise. Sa mission est de contribuer à la défense des droits collectifs sur le territoire québécois, eût égard notamment aux droits linguistiques et constitutionnels des citoyennes et des citoyens. Basée sur une approche non-partisane, l’action de l’organisme comporte de nombreux champs d’intervention, dont l’éducation populaire, la mobilisation sociale, la représentation politique et l’action judiciaire.

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