Le Commissaire aux langues officielles donne raison à Droits collectifs Québec
Sherbrooke, le 18 septembre 2024 - Le Commissaire aux langues officielles (CLO) donne raison à Droits collectifs Québec (DCQ) dans le dossier de la plainte contre la Cour suprême du Canada (CSC) relatif à son refus de celle-ci de traduire en français ses jugements antérieurs à 1969. Selon le CLO, ce refus constitue une infraction à la Loi sur les langues officielles (LLO). Dans son rapport final d’enquête émis le 16 septembre 2024, le CLO recommande à la CSC de corriger la situation au maximum dans les 18 mois. Toutefois, si la CSC ne commence pas à donner suite concrètement et rapidement à la recommandation du CLO, DCQ se verra dans l’obligation et compte initier formellement des procédures judiciaires dans les 60 jours devant la Cour fédérale afin que la LLO soit respectée par la CSC.
Une conciliation peu probable
Malgré un rapport d’enquête limpide et des conclusions claires, DCQ entretient hélas peu d’espoir de voir la Cour suprême donner suite à la recommandation du CLO. En effet, la CSC n’a montré aucune ouverture dans ce dossier suite à la publication du rapport préliminaire d’enquête. Il y a également lieu de rappeler les discutables propos tenus en juin 2024 par le juge en chef de la CSC, le très honorable Richard Wagner, selon lequel le refus de la Cour de procéder à la traduction en langue française de ces jugements se justifiait par un manque de ressources humaines et financières, tout en minimisant l’importance de ce corpus juridique, le résumant à un « patrimoine culturel juridique » rendu obsolète par l’évolution du droit québécois et canadien.
Selon DCQ, de tels propos minent la crédibilité de la CSC, et envoient un message inquiétant à l’ensemble de l’appareil fédéral quant à l’importance de respecter la Loi sur les langues officielles. De même, une telle situation peut avoir un impact concret sur la confiance que témoigne le public envers les tribunaux, alors qu’il est tout simplement inacceptable, dans un État de droit moderne, que le plus haut tribunal du Canada refuse de se conformer à une loi qu’il est censé appliquer à l’ensemble des institutions fédérales.
Et pourtant, les solutions existent
La situation dans laquelle la CSC se retrouve n’est pourtant pas insurmontable, et des solutions existent. Tout d’abord, DCQ tient à rappeler que le gouvernement canadien a consacré une enveloppe budgétaire substantielle de « 9,6 millions de dollars sur trois ans, à compter de 2024-2025, au Service administratif des tribunaux judiciaires afin d’accroître sa capacité à fournir les décisions traduites des tribunaux fédéraux ».
Alors que le juge Wagner suggérait que l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pourrait être « très positive » pour traduire les jugements plus rapidement, la question de l’efficacité et de l’objectivité de cette technologie se pose. Les experts appellent à la prudence car l’IA ne saurait remplacer le traducteur ou la traductrice juriste, qui connaît les subtilités de la loi. Cette enveloppe budgétaire pourrait sans aucun doute servir à s’assurer que les traductions soient effectuées par des traducteurs et traductrices agréées détenant l’expertise appropriée.
La CSC avait d’ailleurs pris position sur cette question dans le Renvoi : Droits linguistiques au Manitoba. Dans cet important arrêt de la Cour rendu en 1985, la Cour a obligé la province à traduire l’ensemble de ses lois depuis 1867, peu importe les ressources nécessaires pour répondre à un tel ordre de la Cour. Pourquoi en serait-il autrement pour la CSC elle-même? Un manque de ressources financières n'est pas une excuse valable pour que le respect de l’État de droit soit optionnel.
Faire en sorte que la Cour suprême… respecte la loi
En dépit de la résolution adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale du Québec sur cette question et des recommandations formulées par le CLO, la CSC n’a pas manifesté l’intention de respecter la LLO, DCQ est donc prêt à agir. Si aucun ajustement n’est fait d’ici un (1) mois, l’organisme se fera un devoir d’invoquer la LLO afin de faire respecter le droit collectif des Québécoises et des Québécois, et de l’ensemble des personnes appartenant aux communautés francophones et acadiennes du Canada.
« Nous invitons la Cour suprême à réfléchir sérieusement aux conséquences potentielles que pourrait provoquer l’ouverture de procédures judiciaires en Cour fédérale la visant à titre de partie défenderesse, une situation inédite dans un État de droit tel dont la CSC devrait être la gardienne, la CSC pourrait ainsi devoir entendre une cause l’impliquant de manière directe, se plaçant en position de juge et partie. Il est évident qu’un tel dénouement minerait la réputation de la CSC, tant au Québec, qu’au Canada que dans le monde », ont conclu Daniel Turp et Etienne-Alexis Boucher, respectivement président et directeur général de Droits collectifs Québec.
Lien vers l’article de La Presse La Cour suprême est menacée d'être traînée en cour : https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2024-09-18/traduction-de-vieilles-decisions/la-cour-supreme-est-menacee-d-etre-trainee-en-cour.php?sharing=true